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Dix-huit mois après l’explosion en banlieue
Claude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois, plaide pour l’égalité.

Dans la soupente de l’ancien chateau qui sert de mairie, Claude Dilain a installé un bureau à son image, simple et chaleureux.

> MetroPol : M. le maire, la population en veut-elle aux émeutiers de novembre 2005 ?

Claude Dilain : Non, car même si elle rejette massivement cette violence, elle vit au quotidien l’exclusion et les difficultés qui l’ont engendrée. Je me souviens d’un symptôme révélateur car inhabituel : à la veille des émeutes, les animatrices d’une association de solidarité locale voulaient organiser une manifestation de rue contre la réduction de leurs crédits. Il y a toujours eu à Clichy une forte vie associative, un vrai lien social (fait, par exemple, de soutien scolaire), une volonté de promotion, dont témoigne bien aujourd’hui l’activité de «AC le feu» ou encore l’inscription électorale massive (+ 20 % en 2 ans).

> Qu’a fait le gouvernement pour répondre à cette explosion ?

Les habitants d’ici vous diraient : «rien». Notamment parce que le regard que porte l’Etat sur ces quartiers n’a pas changé :il reste essentiellement sécuritaire, alors que la population veut d’abord être traitée sur un pied d’égalité avec le reste du pays. Je partage cette aspiration fondamentale. Mais soyons justes et précis : le financement des associations a été rétabli à son niveau de 2004 (après avoir été délabré dans l’intervalle) ; les 3 collèges de ZEP ont été inclus dans le plan «ambition-réussite» (qui reste à évaluer) ; la dotation de solidarité urbaine (versée par l’Etat à la commune, depuis sa création par la gauche) est passée de 1,5 à 7 millions d’€ avec le plan Borloo. Cela bouche la moitié du trou budgétaire de la Ville (car la taxe professionnelle rapporte ici très peu).

> Comment voyez-vous un traitement plus équitable des quartiers défavorisés ?

La bonne réponse n’est pas sécuritaire, contrairement à la ligne Sarkozy (que relaient parfois certains, à gauche). Même les meilleurs juges et policiers du monde (et le commissariat de Clichy n’est pas encore ouvert !) ne suffiraient pas à résorber l’exclusion sociale qu’on a concentrée dans ces zones. Il faut un effort massif d’investissement économique, social, culturel, éducatif mais –surtout– qu’il soit fait «sur mesure», bien plus qu’aujourd’hui. Par exemple, les problèmes d’Aulnay (qui accueille Citroën et L’Oréal) ne sont pas les mêmes que ceux de ma ville, sans ressource fiscale et très enclavée. Oui aux projets de renouvellement urbain (PRU), mais il faut construire autant de logements qu’on en détruit (et même en créer plus, comme ici), et adapter les mesures à chaque situation locale.

> En quoi vos problèmes d’urbanisme sont-ils spécifiques ?

Nous avons ici 3.500 logements, en co-propriété privée, qui se dégradent. De plus en plus de co-propriétaires de ces immeubles ne peuvent payer les charges locatives et l’entretien des parties communes n’est plus assuré. C’est un cercle vicieux, qui fait fuir les habitants solvables et attire les marchands de sommeil. Des escrocs peuvent acheter un F4 à 50.000 € puis louer les 3 chambres à 3 familles d’immigrés clandestins, à 600 € par mois par chambre : rentabilité 10 fois supérieure à la norme... sur fond de misère ! Et trop peu de moyens légaux pour casser ce trafic indigne.
> Vous déplorez aussi que la ville reste à l’écart des circuits de transports...
Question majeure ! Par exemple, Clichy est tout juste à 10 km au sud de Roissy, important pôle d’emploi, mais, sans voiture, on ne peut y prendre un travail faute de liaison suffisamment tôt ou tard dans la journée. C’est bien simple : dès qu’un Clichois trouve du travail, il est enclin à quitter la ville, à cause de son isolement. 45 mn pour rejoindre le RER aux heures de pointe, ce n’est pas acceptable. Il est donc vital de raccorder Clichy et Montfermeil au RER par le tramway T4 (via Livry-Gargan) : ce projet a bien été inscrit au contrat de plan, avec le soutien de Jacques Chirac et de Jean-Paul Huchon, encore faut-il le réaliser fermement (en surmontant l’égoïsme local des communes à traverser).

> Vous sentez-vous Parisien ?

La métropole parisienne est un tout (bravo à votre lettre de presse «MetroPol–Paris» de le souligner). Les pères des 2 adolescents tragiquement électrocutés en 2005 à Clichy sont éboueurs à Paris–Centre. J’ai signé avec Bertrand Delanoë la 1ère convention de Paris avec une ville non riveraine. C’est la voie qu’il faut suivre pour faire progresser l’égalité dans notre agglomération urbaine.

 

Qui est l'Auteur ?

Bio Express

Médecin pédiatre installé à Clichy-sous-Bois depuis 1979, Claude Dilain devient maire PS de la ville en 1995, réélu en 2001. Il a été vice-président du Conseil national des villes jusqu’en 2005. Il raconte son histoire et présente ses analyses dans un livre édité chez Stock en 2006, «Chronique d’une proche banlieue» : un témoignage émouvant et passionné.

CLICHY-SOUS-BOIS

Une commune vivante, verte et aérée, de 29.000 habitants en Seine Saint Denis (93). 40 % ont mois de 20 ans ; 33 % sont étrangers. Un taux de chômage de 20 % (allant jusqu’à 80 % dans certains quartiers). Très peu d’emplois sur place. Une discrimination ethnique à l’embauche fortement ressentie. Pas d’offre de formation supérieure à proximité (l’IUT le plus proche est à Marne-la-Vallée)
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